FactuelClassique chic chez Fendi, bigarrée pour Moschino, active façon Max Mara, précieuse chez Brunello Cucinelli… la semaine milanaise de la mode a revisité le mythe de la bourgeoise.
Réputée pour tempérer ses élans créatifs avec un certain classicisme, la mode italienne revisite souvent le mythe de la bourgeoise, cet archétype mi-BCBG mi-explosif. Cette saison, présentée à la fashion week de Milan du 23 février au 1er mars, plusieurs griffes le manipule, dans des genres bien différents.
A commencer par Fendi, dont le défilé était sans conteste le plus attendu de la semaine. Mercredi 24 février, le nouveau directeur artistique Kim Jones faisait ses premiers pas en prêt-à-porter féminin, un mois après une tentative haute couture un peu disparate. Cette fois-ci, le designer a resserré son propos. Il a puisé dans les archives Fendi en s’attardant sur les années 1940 et n’a montré que des silhouettes monochromes, beiges, grises, blanches et noires. Le résultat donne lieu à une garde-robe incontestablement chic, faite de grands manteaux de fourrure ceinturés, de jupes crayons, de chemises en soie drapées, de robes-smokings pour les grands soirs.
Dans cette ode au bon goût, il n’y a que l’usage du monogramme dessiné par Karl Lagerfeld (deux « f » inversés) dans les années 1980 qui dénote sur les collants, les bottes en cuir ou les doublures des vestes. Le retour à des canons de beauté classique vaut aussi pour la cabine : alors que ces dernières saisons, Silvia Venturini Fendi avait fait appel à des femmes plus âgées et plus en chair que la moyenne, Kim Jones a choisi de jeunes mannequins élancées pour incarner son idéal de luxe à la romaine.
Chez Moschino, Jeremy Scott traite la bourgeoise avec un peu plus d’humour. Il joue d’abord avec les codes classiques – collier de perles, tailleur, gants d’opéra, robe du soir – dans un pastiche de The Women de George Cukor (1939). Jusqu’à ce que son casting de mannequins stars (Joan Smalls, Amber Valletta…) révèle, sous la laque et les chapeaux, des personnalités plus troubles, en tenues bigarrées dans divers tableaux théâtraux (balade en prairie, visite au musée, safari). Dita von Teese ferme le bal dans ce même esprit double jeu. Elle avance souveraine, en fourreau rouge sang… avant de tourner les talons et de laisser le spectateur découvrir, au dos de la robe, un cœur ajouré stratégiquement placé au niveau de ses fesses nues.
Habiller « les femmes de notaires et de docteurs », telle était l’intention d’Achille Maramotti quand il a fondé Max Mara en 1951. Soixante-dix ans plus tard, la marque s’adresse aux « notaires et docteurs femmes ». La laine beige signature de la maison est déclinée sous toutes ses formes, en manteau extra-long, en perfecto chic, en veste de costume masculine, en parka à poches plaquées… Pour compléter leur allure irréprochable, les élégantes actives peuvent compter sur des tailleurs à carreaux, des tartans graphiques, des pulls irlandais surdimensionnés et d’élégants jabots en organza.
De loin, les silhouettes de Brunello Cucinelli semblent plutôt tout terrain, assez confortables pour un quotidien sous Covid-19, assez élégantes pour se prêter à la vie active. De près, ce sont des merveilles de raffinement, construites dans des mailles précieuses tels que le cachemire double face, l’alpaga, ou les mohairs aussi légers que moelleux… Quoi de plus chic que le luxe discret ?